BIBLIOGRAPHIE commentée | 10 lectures essentielles en
philosophie classique de la technique


Présentation

  • La philosophie de la technique constitue une tradition dans la philosophie occidentale classique. Elle pourrait remonter jusqu'à Aristote. Pour me limiter à 10 titres, je me suis limité aux temps modernes, c'est-à-dire à partir de la Renaissance.
  • Les titres sont présentés par ordre chronologique, qui n'est pas nécessairement le seul ordre de lecture possible, mais qui est l'un des meilleurs.
  • Cette bibliographie est destinée à être complétée par celle sur la philosophie contemporaine de la technologie, sur le même site : [Top 10 Philosophie de la technologie]

Top 10 Philosophie classique de la technique

  1. BACON Francis, La Nouvelle Atlantide, 1627

  2. BUTLER Samuel, Erewhon (1872), Erewhon revisited (1901)

  3. MUMFORD Lewis, Technique et civilisation (Technics and civilization, New York, Harcourt Brace, 1934), trad. D. Moutonnier, Paris, Seuil, 1950

  4. LEROI-GOURHAN André, Évolution et techniques, I : L'homme et la matière, II : Milieu et technique, Paris, Albin Michel, 1943, 1945, repr. collection "Sciences d'aujourd'hui"

  5. HEIDEGGER Martin, "La question de la technique", in : Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1958 (repr. collection Tel), trad. A. Préau de : "Die Frage nach der Technik", in : Vorträge und Aufsätze, Pfullingen, Neske, 1954

  6. ELLUL Jacques, La technique, ou l'enjeu du siècle, Paris, (A. Colin,1954), repr. Economica, 1990

  7. SIMONDON Gilbert, Du mode d'existence des objets techniques, Paris, Aubier, 1969

  8. ILLICH Ivan, La convivialité (Tools for conviviality), 1973

  9. JONAS Hans, Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Cerf, 1990, repr. Champs Flammarion, trad. J. Greisch de : Das Prinzip Verantwortung, Frankfurt a.M., Insel, 1979

  10. JULLIEN François, Traité de l'efficacité, Paris, Grasset, 1997, repr. Livre de Poche, Biblio Essais



  1. BACON Francis, La Nouvelle Atlantide, 1627

  2. Mode d’emploi : Une utopie technophile. A lire comme un document historique lointain, mais qui contient l'un des fantasmes éternels de la technique : une société administrant la Science pour faire le Bien. De haut en bas.

    Quelques extraits :

    Notre Fondation a pour fin de connaître les causes, et le mouvement secret des choses ; et de reculer les bornes de l'Empire Humain en vue de réaliser toutes les choses possibles. (...)
       Nous avons aussi des parcs et des enclos avec toutes sortes de quadrupèdes et d'oiseaux qui ne sont pas là uniquement pour le plaisir des yeux ou à cause de leur rareté, mais aussi en vue de dissections et d'expériences, afin que nous puissions de cette façon augmenter nos lumières sur ce qui peut être pratiqué sur le corps humain. (...)
       Enfin, nous faisons des tournées dans les principales villes du royaume. Au cours de ces visites, quand l'occasion s'en présente, et quand nous le jugeons bon, nous rendons publique telle ou telle nouvelle invention utile. Nous leur annonçons aussi, par des procédés de prédiction naturelle, les maladies, épidémies, invasions d'animaux nuisibles, disettes, tempêtes, tremblements de terre, vastes inondations, comètes, ainsi que les températures de l'année et diverses autres choses. Après quoi, nous conseillons les habitants sur les mesures à prendre pour prévenir ces événements ou y remédier.

    L’auteur : Anglais, 1561-1626. Comme philosophe, il est un des héros fondateurs de la modernité, en parallèle avec Descartes. Il fut aussi un homme d'État de premier plan, Chancelier d'Angleterre.
    Article Wikipédia : [Francis Bacon].

    Se procurer ce livre : En édition de poche et en français : BACON Francis, La Nouvelle Atlantide, Paris, Flammarion (GF) : [sur site amazon].
    En ligne et en anglais : téléchargeable sur la page suivante du Projet Gutenberg : [Bacon New Atlantis / Gutenberg]

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  3. BUTLER Samuel, Erewhon (1872), Erewhon revisited (1901)

  4. Mode d’emploi : Une utopie technophobe. Un roman de science-fiction, issu d'une série d'articles sur "Darwin et les machines". Le titre se lit à l'envers : "nowhere", nulle part.

    Quelques extraits :

    Telle est la vraie philanthropie. L'homme qui fait une fortune colossale dans la bonneterie et qui par son énergie réussit à faire baisser le prix des lainages de la millième partie de deux sous par livre, cet homme-là vaut dix philanthropes de profession. (...)
       Je ne crains aucune des machines actuelles. Ce qui me fait peur, c'est la rapidité avec laquelle elles sont en train de devenir quelque chose de différent de ce qu'elles sont à présent. Aucune classe d'animaux ou de végétaux n'a fait, à aucune période du passé, des progrès aussi rapides. Est-ce que ce progrès ne devrait pas être jalousement surveillé, et arrêté pendant que nous pouvons encore l'arrêter ? Et pour cela n'est-il pas urgent de détruire les plus avancées des machines en usage aujourd'hui, bien que nous admettions qu'elles soient, par elles-mêmes, innocentes ? (...)
       En réalité il faut considérer les machines comme le mode de développement par lequel l'organisme humain est en train de se perfectionner. (...) Car un train n'est pas autre chose qu'une botte de sept lieues que cinq cents personnes peuvent posséder en même temps.

    L’auteur : Anglais, 1835-1902. Erewhon fut le seul véritable succès de sa carrière d'homme de lettres. Article Wikipédia : [Samuel Butler]

    Se procurer ce livre : Une traduction par Valéry Larbaud est disponible en poche, Gallimard, collection "L'Imaginaire" : [sur site amazon].
    Le texte anglais est disponible en ligne sur un site néo-zélandais : [Erewhon online].

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  5. MUMFORD Lewis, Technique et civilisation (Technics and civilization, New York, Harcourt Brace, 1934), trad. D. Moutonnier, Paris, Seuil, 1950

  6. Mode d’emploi : Un classique d'autant plus intéressant à étudier que son auteur, historien des idées et des civilisations, est favorable à la technique lorsqu'il le rédige, et deviendra ensuite un technophobe avéré, le premier grand critique du "mythe de la machine". Les études de cas et les thèses de ce livre ont parfois vieilli, mais demeurent des références pour la majorité d'entre elles.

    Quelques extraits :

    Pour reconquérir la machine et la soumettre à des fins humaines, il faut d'abord la comprendre et l'assimiler. Nous l'avons étreint sans la comprendre complètement ou bien, comme les plus faibles des romantiques, nous l'avons rejetée sans voir d'abord ce que nous en pouvions intelligemment assimiler. (...)
       La machine-clé de l'âge industriel moderne, ce n'est pas la machine à vapeur, c'est l'horloge. (...) Aujourd'hui encore, aucune machine n'est aussi omniprésente. (...)
       En fait, la nécessité de promouvoir sans cesse des changements et des améliorations — ce qui est la caractéristique du capitalisme — a introduit un élément d'instabilité dans la technique et empêché la société d'assimiler ces perfectionnements et de les intégrer dans des schémas sociaux appropriés. (...)
       Il n'est pas étonnant que ceux qui contrôlent la destinée des sociétés industrielles, banquiers, hommes d'affaire et politiciens, aient toujours freiné la transition, souhaitant limiter les développements néotechniques et éviter les changements radicaux qui doivent se produire dans tout le milieu social. (...)
       Notre capacité de dépassement du machinisme repose sur notre possibilité d'assimiler la machine. Tant que nous n'aurons pas assimilé les leçons du domaine mécanique, leçons d'objectivité, d'impersonnalité, de neutralité, nous ne pourrons continuer notre évolution vers un organique plus riche, un humain plus profond.

    Table des matières :
       Préface (1946) - But de cet ouvrage
       1. De la culture à la technique
       2. Les facteurs de mécanisation
       3. La phase éotechnique
       4. La phase paléotechnique
       5. La phase néotechnique
       6. Phénomènes de compensation et chocs en retour
       7. Assimilation de la machine
       8. Orientation

    Une synthèse de ce livre, en anglais, sur Wikipedia : [Technics & Civilisation / Abstract]

    L’auteur : Américain (1895-1990). Historien de la civilisation urbaine (architecture, urbanisme) et technique. Son analyse critique de la modernité ressemble parfois au marxisme, sans en être. Article sur Wikipedia en anglais : [Lewis Mumford].

    Se procurer ce livre : Longtemps indisponible, la traduction française de ce livre est proposée à partir de septembre 2015 par Parenthèses Editions, mille bravos : [sur amazon]. La version anglaise se trouve en bibliothèque ou d'occasion en ligne.

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  7. LEROI-GOURHAN André, Évolution et techniques, I : L'homme et la matière, II : Milieu et technique, Paris, Albin Michel, 1943, 1945, repr. collection "Sciences d'aujourd'hui"

  8. Mode d’emploi : Un modèle d'anthropologie philosophique et d'histoire des techniques. Il faut suivre dans ce livre la naissance de la technique dans le contact, matériel et concret, entre l'homme et le monde.

    Quelques extraits :

    Il n'y a pas de coupure, sinon verbale, entre l'en-deçà et l'au-delà de cette frontière mystérieuse du civilisé. (...)
       Dans le domaine de la morale, des arts, de la société, on peut se demander s'il y a, chez l'Homme, progrès ou stabilité, ou plutôt une série de sursauts et de chutes qui se traduiraient peut-être par une élévation très lente du niveau général. Dans le domaine technique, le doute n'a jamais effleuré personne : l'Homme perfectionne ses outils avec une efficacité telle qu'il est maintenant, moralement, artistiquement et socialement dépassé par ses moyens d'action contre le milieu naturel, et ce mouvement de progrès technique est si éclatant que, depuis des siècles, chaque groupe qui s'exalte dans ses outils se croit du même coup haussé dans tous les autres domaines. (...)
       Il y a donc tout un côté de la tendance technique qui tient à la construction de l'univers même et il est aussi normal que les toits soient à double pente, les haches emmanchées, les flèches équilibrées au tiers de leur longueur qu'il est normal pour les gastéropodes de tous les temps d'avoir une coquille enroulée en spirale.

    Table des matières :
       Introduction (vol. 1)
       I. Structure technique des sociétés humaines
          Tendance et fait
          Degrés du fait
          Hiérarchie des techniques
       II. Moyens élémentaires d'action sur la matière
          Les percussions
          Le feu
          L'eau
          L'air
          La force
       III. Les transports
          Portage humain
          Portage animal
          Trainage et roulage
          Traction et direction
          Navigation
          Voies de communication
       IV. Les techniques de fabrication
          Solides stables
          Solides fibreux
          Solides semi-plastiques
          Solides plastiques
          Soilides souples
          Fluides
       V. Premiers éléments d'évolution technique
          La technologie comparée
       Introduction (vol. 2)
       VI. Les techniques d'acquisition
          Les armes
          La chasse et la pêche
          L'élevage
          L'agriculture
          Les minéraux
       VII. Les techniques de consommation
          L'alimentation
          Le vêtement
          L'habitation
       VIII. Les problèmes d'origine et de diffusion
          Problèmes généraux
          Civilisés et sauvages
          Economie technique
          La tendance technique
          Le milieu technique
          L'emprunt
          L'invention
          L'activité créatrice
       IX. Evolution et techniques
          Les groupes et les masses
          Le temps et le milieu intérieur
          Le temps et le milieu technique
       Index

    L’auteur : Anthropologue français (1911-1986). Spécialiste de la préhistoire, de l'ethnologie des techniques et de l'histoire des cultures. Détenteur de deux doctorats (lettres, puis sciences), il enseignera à la Sorbonne puis au Collège de France. Il essayait de fabriquer lui-même et d'utiliser lui-même les instruments (préhistoriques ou de toutes cultures) sur lesquels il a accumulé des fiches par dizaines de milliers.

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  9. HEIDEGGER Martin, "La question de la technique", in : Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1958 (repr. collection Tel), trad. A. Préau de : "Die Frage nach der Technik", in : Vorträge und Aufsätze, Pfullingen, Neske, 1954

  10. Mode d’emploi : Le texte de Heidegger le plus fondamental sur la technique, dans une traduction française intelligible. A lire lentement, méditativement, sans a priori. On en profitera pour lire les autres conférences du même recueil, qui complètent celle-ci.

    Quelques extraits :

    L'essence de la technique n'est absolument rien de technique. Aussi ne percevrons-nous jamais notre rapport à l'essence de la technique, aussi longtemps que nous nous bornerons à nous représenter la technique et à la pratiquer, à nous en accommoder ou à la fuir. (...)
       Le dévoilement, cependant, qui régit la technique moderne ne se déploie pas en une pro-duction au sens de la poiêsis. Le dévoilement qui régit la technique moderne est une pro-vocation (Herausfordern) par laquelle la nature est mise en demeure de livrer une énergie qui puisse comme telle être extraite (heraugefördert) et accumulée. (...)
       La menace véritable a déjà atteint l'homme dans son être. Le règne de l'Arraisonnement nous menace de l'éventualité qu'à l'homme puisse être refusé de revenir à un dévoilement plus originel et d'entendre ainsi l'appel d'une vérité plus initiale. (...)
       Aussi longtemps que nous nous représentons la technique comme un instrument, nous restons pris dans la volonté de la maîtriser. Nous passons à côté de l'essence de la technique.

    L’auteur : Martin Heidegger (1889-1976) est un philosophe indispensable pour réfléchir sur la technique, directement, par ce qu'il en a écrit, et indirectement, par la rénovation qu'il apporte à la philosophie. L'influence directe produit des philosophies plutôt technophobes, l'influence indirecte des philosophies plutôt technophiles.

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  11. ELLUL Jacques, La technique, ou l'enjeu du siècle, Paris, (A. Colin,1954), repr. Economica, 1990

  12. Mode d’emploi : Jacques Ellul est le philosophe français (technophobe) qui fait référence dans le monde entier - sauf en France où son livre principal n'est même pas disponible. Il faut se le procurer et l'étudier. Et essayer de lui répondre.

    Quatrième de couverture de la réimpression Economica (1990)

    La Technique ou l'enjeu du siècle a connu une destinée singulière. Refusé par deux éditeurs, il a finalement été publié dans une collection universitaire à faible tirage et a très vite été épuisé. Jamais réédité (sauf en édition pirate) il n'a cessé d'être lu et pillé, même si ceux qui l'ont utilisé ne l'ont pas toujours cité. Aux Etats-Unis, il est constamment réédité en collection de poche et est inscrit au programme des lectures obligées (text-books) de la plupart des universités. Il a également eu une grande influence chez les dissidents des pays de l'Est. Jacques Ellul n'a cessé d'approfondir sa réflexion sur la technique dans des livres devenus des classiques (...). Mais on ne peut comprendre son œuvre sans se reporter à ce livre fondateur. Prophétiques lorsqu'elles ont été écrites, ses vues sur la technique comme fait central de nos sociétés conservent plus de 35 ans après une étonnante et parfois inquiétante actualité. En 1960, Jacques Ellul avait préparé une deuxième édition revue et complétée qu'un éditeur peu avisé a renoncé à publier. C'est ce texte que les Classiques des sciences sociales offrent aujourd'hui au lecteur.

    Quelques extraits :

    Aucun fait social, humain, spirituel, n'a autant d'importance que le fait technique dans le monde moderne. Aucun domaine, pourtant, n'est plus mal connu. (...)
       Et, de fait, la technique n'est rien de plus que moyen et ensemble de moyens. Mais cela ne diminue pas l'importance du problème, car notre civilisation est d'abord une civilisation de moyens et il semble que dans la réalité de la vie moderne les moyens soient plus importants que les fins. (...)
       Ainsi s'achève l'édifice de cette civilisation qui n'est pas un univers concentrationnaire car il n'y a pas d'atroce, il n'y a pas de démence, tout est nickel et verre, tout est ordre — et les bavures des passions des hommes y sont soigneusement briquées. Nous n'avons plus rien à perdre et plus rien à gagner, nos plus profondes impulsions, nos plus secrets battements de cœur, nos plus intimes passions sont connues, publiées, analysées, utilisées. L'on y répond, l'on met à ma disposition exactement ce que j'attendais, et le suprême luxe de cette civilisation de la nécessité est de m'accorder le superflu d'une révolte stérile et d'un sourire consentant.

    L’auteur : Jacques Ellul (1912-1994), forte personnalité, a fait sa carrière universitaire à Bordeaux, comme juriste, spécialiste d'histoire du droit et de sciences politiques. Sa philosophie de la technique est marquée par un christianisme (protestant) très militant.
    Voir le site : [www.ellul.org].

    Se procurer ce livre : La réimpression Ecomica est à nouveau disponible : [sur amazon]. En traduction anglaise : [on amazon.com website]

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  13. SIMONDON Gilbert, Du mode d'existence des objets techniques, Paris, Aubier, 1969

  14. Mode d’emploi : Un des livres les plus importants pour intégrer la culture technique à la culture. Ne pas se laisser écarter de ce livre par les analyses approfondies de dispositifs techniques : Simondon est un philosophe qui sait de quoi il parle et qui aime approfondir les données du réel avant de les analyser philosophiquement. Du coup, ses synthèses sont puissantes et lumineuses.

    Quatrième de couverture :

    L'ouvrage de Gilbert Simondon est célèbre à un double titre. C'est l'une des premières et des plus fortes tentatives pour réintroduire l'objet technique dans la culture, faire cesser son aliénation purement ustensile, découvrir les valeurs d'humanité qu'il contient et que la philosophie a trop longtemps méconnues au nom de la relation de propriété ou d'usage. C'est ensuite une élucidation originale de l'essence des objets techniques. Simondon la décrit comme une genèse spécifique qui prend la forme d'un processus dit de « concrétisation », distinct aussi bien des perfectionnements empiriques que de toute déduction à partir de principes théoriques préalables. Cette conception s'élargit sur des perspectives éthiques, religieuses et esthétiques qui découvrent la portée philosophique de l'entreprise.

    Un extrait :

    La plus forte cause d'aliénation dans le monde contemporain réside dans cette méconnaissance de la machine, qui n'est pas une aliénation causée par la machine, mais par la non-connaissance de sa nature et de son essence, par son absence du monde des significations, et par son omission dans la table des valeurs et des concepts faisant partie de la culture. La culture est déséquilibrée parce qu'elle reconnaît certains objets, comme l'objet esthétique, et leur accorde droit de cité dans le monde des significations, tandis qu'elle refoule d'autres objets, et en partculier les objets techniques, dans le monde sans structure de ce qui ne possède pas de significations, mais seulement un usage, une fonction utile.

    Table des matières :

    Introduction
    1ère Partie. Genèse et évolution des objets techniques
    1. Genèse de l'objet technique : le processus de concrétisation
      1. Objet technique abstrait et objet technique concret
      2. Conditions de l'évolution technique
      3. Rythme du progrès technique : perfectionnement continu et mineur, perfectionnement discontinu et majeur
      4. Origines absolues d'une lignée technique
    2. Evolution de la réalité technique ; éléments, individu, ensemble
      1. Hypertélie et auto-conditionnement dans l'évolution technique
      2. L'invention technique : fond et forme chez le vivant et dans la pensée inventive
      3. L'individualisation technique
      4. Enchaînements évolutifs et conservation de la technicité. Loi de la relaxation
      5. Technicité et évolution des techniques ; la technicité comme instrument de l'évolution technique
    2ème Partie. L'homme et l'objet technique
    1. Les deux modes fondamentaux de la relation de l'homme au donné technique
      1. Majorité et minorité sociéle des techniques
      2. Technique apprise par l'enfant et technique pensée par l'adulte
      3. Nature commune des techniques mineures et des techniques majeures. Signification de l'encyclopédisme
      4. Nécessité d'une synthèse au niveau de l'éducation entre le mode majeur et le mode mineur d'accès aux techniques
    2. Fonction régulatrice de la culture dans la relation entre l'homme et le monde des objets techniques. Problèmes actuels
      1. Les différentes modalités de la notion de progrès
      2. Critique de la relation de l'homme et de l'objet technique telle que la présente la notin de progrès issue de la thermodynamique et de l'énergétique. Recours à la théorie de l'information
      3. Limites de la notion technologique d'information pour rendre compte de la relation de l'homme et de l'objet technique. La marge d'indétermination dans les individus techniques. L'automatisme
      4. La pensée philosophique doit opérer l'intégration de la réalité technique à la culture universelle, en fondant une technologie.
    3ème Partie. Essence de la technicité
    1. Genèse de la technicité
      1. La notion de phase appliquée au devenir : la technicité comme phase
      2. Le déphasage de l'unité magique primitive
      3. La divergence de la pensée technique et de la pensée religieuse
    2. Rapports entre la pensée technique et les autres espèces de pensée
      1. Pensée technique et pensée esthétique
      2. Pensée technique, pensée théorique, pensée pratique
      3. Pensée technique et pensée philosophique
    Conclusion

    L’auteur : Philosophe français (1924-1989), élève de G. Canguilhem et de M. Merleau-Ponty, il a enseigné à Poitiers puis à Paris. Ses thèmes de recherche sont divers et complexes, il part d'une philosophie de l'individuation, question liée à la psychologie et à la biologie, et il apporte à la philosophie de la technique une indispensable analyse des sytèmes et de leur évolution.

    Se procurer ce livre : Il est réimprimé et disponible ! [sur site amazon]

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  15. ILLICH Ivan, La convivialité (Tools for conviviality), 1973

  16. Mode d’emploi : Très contestataire, provocateur même parfois, utopiste, mais extraordinairement en avance. A lire pour comprendre que la critique de la société de consommation, l'altermondialisme et les projets "alternatifs" ne datent pas d'aujourd'hui.

    Quatrième de couverture :

    Ivan Illich amplifie et radicalise sa critique de la société industrielle. Il ne vise plus une institution particulière (école, santé, transports), mais l'organisation globale. Il dénonce la servitude née du mode industriel de production, le gigantisme des outils, le culte de la croissance indéfinie et de la réussite matérielle. L'homme va-t-il réclamer son droit, reprendre la parole et le pouvoir de décider, rouvrir un espace social de rencontres et d'échanges, se souvenir qu'il a un passé, des voisins, des égaux ?

    Quelques extraits :

    J'appelle société conviviale une société où l'outil moderne est au service de la personne intégrée à la collectivité, et non au service d'un corps de spécialistes. (...)
       J'entends par convivialité l'inverse de la productivité industrielle. (...)
       De même que l'exigence d'un mieux-être à tout prix, la course à la vitesse est une forme de désordre mental. (...)
       Plus de santé, plus de vitesse ou plus de récoltes, cela signifie des individus plus réceptifs, plus passifs, plus disciplinés. (...)
       L'outil simple, pauvre, transparent est un humble serviteur ; l'outil élaboré, complexe, secret est un maître arrogant. (...)
       La désaccoutumance de la croissance sera douloureuse. (...)
       A de rares exceptions près, les lois et les corps législatifs, les tribunaux et les jugements, les plaignants et leurs requêtes sont profondément pervertis par l'accord unanime et écrasant qui accepte sans murmure le mode industriel de production et ses slogans : Toujours plus, c'est toujours mieux. D'ailleurs les entreprises et les institutions savent mieux que les personnes quel est l'intérêt public et comment le servir. (...)
       Ce qui est déjà évident pour quelques-uns sautera tout à coup aux yeux du plus grand nombre : l'organisation de l'économie tout entière en vue du mieux-être est l'obstacle majeur au bien-être.

    L’auteur : Universitaire libre et cosmopolite (1926-2002), il a été prêtre catholique, fondateur de son propre centre de recherches au Mexique, agitateur d'idées itinérant...

    Se procurer ce livre : Téléchargeable sur l'Internet, en anglais : [Tools for Conviviality].
    Disponible en poche en français : [sur site amazon].
    Disponible dans une louable édition de l'oeuvre de Illich : Œuvres complètes, vol. 1 (Libérer l'avenir [1971], Une société sans école [1971], Énergie et équité [1975], La convivialité [1973], Némésis médicale [1975]), Paris, Fayard, 2005 : [sur site amazon]

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  17. JONAS Hans, Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Cerf, 1990, repr. Champs Flammarion, trad. J. Greisch de : Das Prinzip Verantwortung, Frankfurt a.M., Insel, 1979

  18. Mode d’emploi : Dans ce livre, bien comprendre et s'approprier la notion de responsabilité, et son lien avec l'état actuel de la puissance technologique. Mais, AMHA, se méfier du prêchi-prêcha théologique : c'est ce livre qui a permis aux théologiens de tout bord de noyauter la réflexion éthique, écologique, et sur la technologie. Ne serait-ce que pour résister à cette récupération religieuse, il faut connaître ce livre et son argumentation, et y relever le dogmatisme initial : Jonas, lui, sait de source sûre (par Révélation) ce qu'est l'essence de l'homme, et à partir de là dicte ce qu'il peut et ne peut pas faire... — AMHA : non merci.

    Quatrième de couverture (Cerf) :

    Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, les actions de l'homme pourraient se révéler irréversibles. Or, en face, c'est le « vide éthique », car les morales traditionnelles sont trop courtes. Elles sont particulièrement inopérantes pour les décideurs politiques. H. Jonas propose une reformulation de l'éthique autour de l'idée centrale de responsabilité sous ses différents aspects, naturelle et contractuelle, tournée vers l'avenir et dégageant dans le rôle des parents et des hommes d'État deux paradigmes essentiels. Ce livre important reprend les concepts clés de l'éthique, de l'éducation, de la politique et de l'histoire. Il discute pied à pied les idéaux du progrès et les utopies (d'où le titre de l'ouvrage qui rappelle « Le Principe espérance » de Bloch) et fait toute sa place aux limites de tolérance de la nature, à la souffrance, à la peur et à l'espérance responsable.

    Table des matières :

    1. La transformation de l'essence de l'agir humain
      1. L'exemple de l'Antiquité
      2. Signes distinctifs de l'éthique jusqu'à présent
      3. Nouvelles dimensions de la responsabilité
      4. La technologie comme "vocation" de l'humanité
      5. Anciens et nouveaux impératifs
      6. Les formes antérieures de l'"éthqiue du futur"
      7. L'homme en tant qu'objet de la technique
      8. La dynamique "utopique" du projet technique et l'excès de la responsabilité
      9. Le vide éthique
    2. Questions de fondements et de méthode
      1. Savoir idéal et savoir réel dans "l'éthique d'avenir"
      2. Priorité du mauvais pronostic sur le bon
      3. L'élément du pari dans l'agir
      4. L'obligation de l'avenir
      5. Être et devoir
    3. Les fins et leur position dans l'être
      1. Le marteau
      2. La cour de justice
      3. La marche
      4. L'organe de digestion
      5. La réalité de la nature et la validité : de la question de la fin à la question de la valeur
    4. Le Bien, le Devoir et l'Être : théorie de la responsabilité
      1. Être et Devoir
      2. Théorie de la responsabilité : premières différenciations
      3. Théorie de la responsabilité : parents et homme d'État comme paradigmes éminents
      4. Théorie de la responsabilité : l'horizon de l'avenir
      5. Jusqu'où la responsabilité politique s'étend-elle evrs l'avenir ?
      6. Pourquoi jusqu'à présent la "responsabilité" n'occupait pas le centre de la théorie éthique
      7. L'enfant — l'objet élémentaire de la responsabilité
    5. La responsabilité aujourd'hui : l'avenir menacé et l'idée de progrès
      1. L'avenir de l'humanité et l'avenir de la nature
      2. La menace de malheur contenue dans l'idéal baconien
      3. Le marxisme ou le capitalisme peuvent-ils mieux parer au danger ?
      4. Examen concret des chances abstraites
      5. L'utopie de l'"homme véritable" seulement à venir
      6. L'utopie et l'idée de progrès
    6. La critique de l'utopie et l'éthique de la responsabilité
      1. Les damnés de la terre et la révolution mondiale
      2. Critique de l'utopisme marxiste

    L’auteur : Hans Jonas (1903-1993), né en Allemagne, a enseigné dans de nombreux pays du monde, essentiellement en Amérique du Nord. Après une longue carrière d'historien des religions et théologies, il publie en 1979 le Principe responsabilité, qui l'impose, tardivement, notamment en France dans les années 1990, comme la référence sur l'éthique du futur.

    Se procurer ce livre : Disponible en français en édition de poche : [sur site amazon]

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  19. JULLIEN François, Traité de l'efficacité, Paris, Grasset, 1997, repr. Livre de Poche, Biblio Essais

  20. Mode d’emploi : Une comparaison, philosophique et passionnante, entre la conception chinoise et la conception occidentale de l'action sur le réel. Vue sous cet angle, "notre" technique apparaît avec un relief saisissant, dans sa spécificité, que nous ne voyons pas bien.

    Quatrième de couverture :

    François Jullien enrichit notre conception de l'"efficacité" en confrontant la notion occidentale et la notion chinoise. A la difficulté européenne à penser l'efficacité s'oppose l'approche chinoise de la stratégie : quand l'efficacité est attendue du "potentiel de la situation" et non d'un plan projeté d'avance, qu'elle est envisagée en termes de conditionnement et non de moyens à fin, de transformation et non d'action, de manipulation et non de persuasion, "l'occasion" à saisir n'est plus alors que le résultat de la tendance amorcée et, comme le dit un sage chinois, le plus grand général ne remporte que des victoires "faciles", sans même qu'on songe à l'en louer.

    Quelques extraits :

    Plutôt que de dresser un modèle qui serve de norme à son action, le sage chinois est porté à concentrer son attention sur le cours des choses, tel qu'il s'y trouve engagé, pour en déceler la cohérence et profiter de leur évolution.(...)
       L'efficacité de l'action est directe (de moyen à fin), mais elle est coûteuse et risquée ; celle de la transformation est indirecte (de condition à conséquence), mais elle se rend progressivement imparable.(...)
       Le sage-stratège envisage et planifie la difficulté "au stade de la facilité", est-il dit, de même qu'il "accomplit de grandes choses au stade où elles sont encore infimes" (Laozi § 63).

    Table des matières :
    1. Les yeux fixés sur le modèle
    2. Ou s'appuyant sur la propension
    3. But ou conséquence
    4. Action ou transformation
    5. Structure de l'occasion
    6. Ne rien faire (et que rien ne soit pas fait)
    7. Laisser advenir l'effet
    8. De l'efficacité à l'efficience
    9. Logique de la manipulation
    10. Manipulation versus persuasion
    11. Images d'eau
    12. Eloge de la facilité

    L’auteur : Né en 1951, François Jullien est un spécialiste de la culture chinoise, et sous cet angle comparatiste, de l'analyse philosophique du monde contemporain. Il enseigne à l'université Paris-VII où il dirige l'Institut de la Pensée Contemporaine.

    Se procurer ce livre : Il est disponible en édition de poche : [sur site amazon]

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